INTERVIEW DARKO
L’an dernier, le BEMF (Brussels Electronic Music Festival) invitait avec succès la culture électronique au Palais. Musiciens d’avant-garde, DJ’s populaires et autres concepteurs de paysages sonores contemplatifs ou bruitistes se succédaient 3 nuits durant, offrant un panorama élargi d’un pan musical trop souvent caricaturé sous son aspect festif. Après ce test concluant tant au niveau artistique qu’au comptage de la fréquentation, voici la « première » édition du festival, comme l’explique Darko, le DJ bruxellois à l’origine de ces nuits de découvertes et de plaisirs.
Darko, quel bilan tirer de l’édition 2009 du BEMF ?
Avec le recul, c’était plus une édition zéro, un test, que les vrais débuts du festival. Mais malgré des difficultés dans le développement des opérations, ce fut une réussite avec 4000 visiteurs, ce qui est plus qu’attendu. Désormais, on travaille sur un projet de développement sur 3 ans. L’idée est de doter Bruxelles d’un festival électronique qui soit respecté sur la scène internationale, comme peuvent l’être ceux qui se tiennent au Canada, en Espagne ou en Allemagne. Le désir est d’être à la pointe et malgré tout différent. Un de mes chevaux de bataille est de proposer une écoute différente. Que des gens puissent écouter de la musique électronique assis dans des salles à l’acoustique irréprochable. Le BEMF ne s’adresse pas qu’aux adeptes du clubbing, même si idéalement on doit pouvoir combiner de la musique pour danser à des choses plus avant-gardiste, de l’art contemporain et de la musique concrète.
Est-ce une façon de rappeler au public que la musique électronique ne se limite pas qu’au « disco sur ordinateur » ; qu’elle est même née d’expérimentations menées par des gens comme Stockhausen, John Cage et Pierre Henry ?
La musique électronique a souvent été fustigée comme le fut jadis le jazz. Ce n’est bien sûr pas la musique du diable, jouée par des drogués pour d’autres drogués. Le regard des gens évolue avec le temps mais cela se fait lentement, car ce sont là des musiques un peu brutales, auxquelles on n’a vraiment accès qu’au prix d’une certaine ouverture. Les clichés ont la peau dure mais ne faisons pas l’erreur d’attendre 20 ou 40 ans pour finalement décréter que cela a malgré tout de l’intérêt. Aujourd’hui, un festival entièrement électronique, présentant à fortiori des choses plus pointues, cela reste une grosse prise de risque. Je trouve donc logique que cela ait lieu au Palais des Beaux-Arts. Ça correspond bien à la politique de création et d’ouverture d’un endroit qui a toujours poussé beaucoup de mouvements, de scènes...
Vous présentez cette année un très large panel d’artistes belges…
Erik Satie disait « je suis venu au monde très jeune dans un temps très vieux » et c’est un peu l’impression que me donnent Bruxelles et la Belgique aujourd’hui. Tant du côté de la techno pure et dure que de la musique plus expérimentale, nous restons un très bon vivier de musiciens mais la plupart n’ont aucun endroit digne de ce nom pour se produire, sauf à l’étranger pour ceux qui parviennent à s’exporter. Les gens de la nuit font du bon travail à un niveau strictement commercial mais leur offre n’est que rarement musicalement très intéressante. Ce n’est à priori pas mon job de fédérer une alternative à cela. D’un autre côté, une fois de plus, cela colle parfaitement à la politique de création et d’ouverture du Palais des Beaux-Arts que de soutenir de telles initiatives plus pointues. Je ne désespère pas que d’ici quelques années, le ressenti du public vis-à-vis de la musique électronique soit très différent, plus curieux et plus ouvert qu’aujourd’hui.
Tourner le dos à l’aspect festif ?
Je pense qu’il est normal de garder des espaces de fête, parce que c’est un pan conséquent de la musique électronique. Ce n’est cela dit pas le plus important. Ce qui est primordial, c’est l’aspect créatif et aventureux. La culture au sens premier du terme.
Propos recueillis par Serge Coosemans
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment